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Le triomphe de la cupidité ou Le rapport Aghion. 1

Rapport présenté à Valérie Pécresse en janvier 2010   Ce qu’on va lire concerne un « texte » qui va servir de catéchisme. On ne devrait pas à notre avis en séparer la lecture du Rapport Sapir, écrit dans un tout autre style et pour un  autre public, à savoir celui des instances européennes. Le Rapport Aghion est de janvier 2010, celui d’André  Sapir de juillet 2003( !). Nous ne ferons pas ici d’allers-retours, pour une raison simple : le rapport Sapir (auquel Aghion a participé, mais, comme la consanguinité est partout, Sapir fait aussi partie du Comité auteur du Rapport Aghion…) est d’apparence sérieuse, rédigé de façon inaccessible au commun des mortels. On voit bien pourquoi. Mais l’hermétisme a des limites et Mme Pécresse (avec d’autres sans doute) a d’autres choses infiniment plus importantes à faire que de lire un pareil « chef d’œuvre » in extenso. On  n’épiloguera pas sur ses capacités intellectuelles, ce serait désobligeant. Bref, Mme Pécresse a pris Aghion à part et lui a dit : « Faites-moi quelque chose de vendable grand public, vous connaissez mes opinions, ce n’est pas moi qu’il faut convaincre ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Le Rapport Aghion est rédigé multimédia. Aucun cours de mathématiques, aussi élémentaire soit-il, ne peut atteindre ce degré de luminosité pour imbéciles. On comprend aussi pourquoi les mathématiques, fussent-elles élémentaires, elles, ne sont pas faites pour les imbéciles. Le Rapport Aghion si. C’est sa première caractéristique. Avant d’aller plus loin, il faut exécuter dans les règles le départ de cette « œuvre monumentale » à la gloire de la cupidité, de la crédulité et de la faiblesse d’esprit. De l’excellence La table des matières nous dit que le Rapport va nous éclairer sur « l’importance de l’excellence ». On s’attend à trouver une définition de l’excellence mais vous n’y êtes pas. Si vous ne savez pas ce que c’est, vous n’êtes pas excellent. Notez que le chapitre 1 s’intitule « Caractéristiques de l’excellence » : comment un objet non défini peut-il avoir des caractéristiques ?  On ne sait pas. Mais passons. Donc, dans ce premier chapitre censé nous dire  pourquoi l’excellence est importante, la lectrice/le lecteur avide de savoir découvre qu’elle/il n’a pas sauté de page, mais que de but en blanc le paragraphe intitulé « Pourquoi est-ce important d’investir sur l’excellence ? » porte en sous titre « Ce que nous apprend l’analyse économique ». Est-il vraiment besoin d’aller plus loin ? Vous ne savez pas ce qu’est l’excellence et le Rapport Aghion ne vous l’apprendra pas. Par contre, il va chercher à vous persuader de prendre force lavements, purges, saignées  et autres clystères pour vous guérir d’une maladie apparemment grave, celle qui consiste à ne pas comprendre pourquoi il est important d’investir dans l’excellence. Et tout cela grâce à « l’analyse économique ».  C’est si beau, qu’on maudit ses parents de ne pas vous avoir appris « la filofie dans le Cyre » [i]. L’analyse économique nous apprend… Mais nous apprend-elle quoi que ce soit ? Cette chose appelée « analyse économique » existe-t-elle ? Comme la chose appelée « analyse mathématique » ? Chacun sait qu’il y a accord universel pour considérer l’économie comme objet d’étude, mais il n’y a aucun accord universel sur « l’analyse économique », laquelle de ce fait ne peut nous apprendre quoi que ce soit. Il est sûr que ni Sapir ni Aghion n’ont de considération pour des personnages aussi peu excellents que Paul Krugmann et Joseph Stiglitz qui, sur des questions centrales d’analyse économique, disent, écrivent et pensent le contraire absolu de MM. Aghion et Sapir. Il est cependant probable que Paul Krugmann et Joseph Stiglitz partagent l’essentiel des conclusions du rapport Aghion, mais au moins ne prétexteraient-ils pas de ce que « l’analyse économique » est censée nous apprendre à ce sujet… Vous voulez en apprendre davantage cependant sur ce premier chapitre qui est censé vous dire pourquoi il est important d’« investir » dans l’excellence. Rien que cette expression fait sursauter. Chez Maupassant, la Maison du chat-qui-pelote vous apprend  que « le commerce est à l’origine et la fin de toute chose » : voilà Aghion en bonnes mains. Sachez qu’il est important d’investir dans l’excellence parce que l’excellence est importante (sic).   Trêve de plaisanterie : on nous dit que l’Europe « décroche » ; les États- Unis dépensent 2,9% de leur PIB alors que l’Europe  est au niveau de 1,4% pour l’investissement dans l’enseignement supérieur et la dépense par étudiant y est le double (il fallait le Rapport Aghion pour l’apprendre, cornedebouc ! C’est de l’excellence ou je n’y entends goutte). « Le nombre de personnes disposant d’un diplôme d’enseignement supérieur dans la tranche d’âge 25-34 est de 39% contre 30% dans l’UE » (sic). Les autres chiffres sont comparatifs, le dernier ne l’est pas, on ne sait pas à quoi se rapporte le premier, à quel pays (aux États Unis sans doute, mais on peut faire d’autres conjectures), 39% de quoi, on ne sait pas non plus. Bref, les États-Unis produisent un nombre à peine supérieur de diplômés de  la tranche en question que l’UE pour un investissement double. L’auteur de ces notes qui est ignare en matière économique  croit pouvoir en déduire que l’argent (mais au fait  lequel ? public ? privé ?) est très mal utilisé aux États-Unis, mais évidemment il se trompe et ne comprend pas ce que « nous apprend l’analyse économique », bien que… (cf. la 2e partie, qui sera publiée dans notre prochain numéro). Là-dessus, le Rapport s’exclame : « est-ce grave ? ». Là, la « théorie économique » - rien de moins - nous apprend qu’il est important d’investir dans « l’économie de la connaissance » (notez le glissement sémantique), et l’on « constate qu’avec des investissements limités dans ladite économie, nombre de  pays d’Asie du Sud-Est ont enregistré une croissance très élevée ». Le paradoxe est si évident qu’il ne faut rien moins que « la théorie économique » pour le lever. Ainsi dans les pays de la frontière technologique l’investissement économique est d’autant plus utile au système économique, dans l’enseignement supérieur d’excellence (c’est l’unique moment où ce concept apparait dans ce chapitre !), alors que l’enseignement supérieur de base est d’autant plus utile dans les pays les plus éloignés de la frontière technologique. Excellence vs. de base, occidental vs. asiatique, rien ne manque.   Et on ne sait toujours pas pourquoi la vache qui rit… rit, c'est-à-dire qu’on ne sait pas pourquoi il est important d’investir dans l’excellence académique et on ne sait pas ce qu’est l’excellence académique. Patience, on va le découvrir sous peu. À ce stade, l’auteur s’est demandé s’il valait la peine de pousser plus loin  dans ce ramassis de poncifs, de vérités assénées, de pensée assise sur une légitimité d’hégémonie ultra-libérale (on hésite à employer cette terminologie, mais il faut aller vite). Franchement, comment des universitaires apparemment de renom ont-ils pu s’abaisser à ce degré ? À suivre. [i] Lire « La philosophie dans le Cyre » ; ainsi s’exprime Toinette dans Le Bourgeois Gentilhomme de Molière. Le Cyre est un roman précieux  en vogue dans les cénacles de l’époque. 

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