Commission nationale Enseignement Supérieur et Recherche du PCF

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Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche

 

Assises

Nom féminin, de assise, « base, fondement, soubassement ». Réunion destinée à « discuter ou décider ». Voilà le sens que donne le Petit Robert à cette promesse de campagne du Président Hollande destinée à la communauté universitaire et de recherche. La promesse sera tenue dans la forme : les Assises nationales se tiendront en novembre, précédées d’Assises régionales ; un site internet y est dédié http://www.assises-esr.fr/, des contributions individuelles ou collectives pourront y être déposées (selon un calendrier serré), des auditions sont programmées, tout semble fonctionner. Or tout a l’air tellement figé et institutionnel, enrobé dans des déclarations de principe sur lesquelles peu de contestations pourraient être émises : qui serait contre « la science et la connaissance fondatrices de la société et de nos valeurs » ? ou contre « la réussite de tous les étudiants » ? Qui critiquerait « la diffusion de la culture scientifique et technique dans l’ensemble de la population » ? Tout a l’air si lisse, mais en même temps si précipité que l’on est en droit de se demander si vraiment ces intentions louables, cet « apaisement », voulu par la Ministre, qui figure également dans le titre du document d’orientation ne sera pas la énième coquille vide où l’on « se concertera » (c’est-à-dire on parlera), mais où il n’y aura pratiquement rien à « négocier » (c’est-à-dire à changer après confrontation d’opinions, débat contradictoire).

Mauvais procès ? Sûrement pas. Nous ne faisons pas partie de ceux qui attendent que la gauche échoue, après que le Front de Gauche a tant œuvré pour se débarrasser de la droite. Mais nous faisons partie des 4 millions de voix sans lesquelles la gauche ne serait point au gouvernement aujourd’hui. Nous faisons partie de ceux qui auraient donc souhaité un véritable changement dans l’université et la recherche, non seulement des modifications de forme, non seulement des saupoudrages. Nous faisons aussi partie de ceux, peut-être trop pointilleux, trop impatients ou trop méfiants, qui se demandent où est passé le volet « moyens » dans ces Assises (absent du site, le mot ne figure pas dans le document d’orientation…) et comment une ambition de réussite et de véritable changement pourrait être appliquée dans un contexte de crise aiguë où la « réduction des déficits » à court terme, imposée par les traités européens gendarmes, devient l’objectif numéro un jamais démenti par aucun ministre du gouvernement Ayrault. « Rétablir la confiance » était l’un des maîtres mots du PS lors de la campagne électorale, lorsqu’il s’adressait à la communauté scientifique. Cette communauté, si malmenée pendant tant d’années, n’accorde pas sa « confiance » sans être sûre qu’une fois encore elle ne sera pas trompée.

Car, au delà des objectifs consensuels et généraux où il serait difficile de trouver à redire, des termes bien connotés se glissent subrepticement au détour des phrases du document d’orientation, des voix « bien expertes et bien informées » s’expriment avec autorité en dehors du processus institutionnel, des doutes commencent à faire jour. Et les grandes questions prétendument motrices de ces Assises (le « changement » qui serait « maintenant ») ne sont pas clairement posées. Ou bien si, mais d’une façon qui laisse supposer que tout ce qui a bouleversé l’université et la recherche depuis 2009 (et même avant), tout ce qui a cassé, démantelé, institutionnalisé la précarité et asservi la connaissance, tout ce qui a instauré le règne du court terme et vilipendé la pérennité et la stabilité des personnels, des équipes, des sujets d’étude, tout ce qui a mis les formations sens dessous-dessus, enfin tout ce qui a merveilleusement contribué à appauvrir les universités et à les conduire à une quasi faillite ne sera pas vraiment remis en cause. Pourquoi ne pas faire un bilan critique des « réformes » et contre-réformes, si l’on pense qu’elles ont créé un « millefeuille » qu’il convient de « simplifier » ? Pense-t-on, avec Philippe Aghion (interview dans Médiapart 18.08.2012) que « la concurrence pousse à l’excellence », que les petites universités doivent « trouver leur niche d’excellence » (pour concurrencer les grandes ?), que le financement de la recherche sur projet est ce qu’il faut faire (peut-être parce que le récurrent ne favoriserait pas une concurrence habilement baptisée « émulation »), que « puisque ça marche bien au MIT ou à Stanford » c’est une perspective à adopter partout ? Ou bien que « l’autonomie » (mot polysémique à interpréter selon les circonstances, les interlocuteurs et le contexte…) est positive pour « les performances en publications et brevets », ou qu’il faut instaurer une sorte de « couloir » entre le lycée et la licence (dénoncé par les étudiants, les lycéens et les enseignants pour des raisons faciles à comprendre) ?

On nous reprochera certes de faire une critique davantage des propos d’un conseiller que des documents des Assises. On nous objectera que la Ministre écoutera tout le monde (la longue liste des auditions prévues) et que « la société civile », donc les citoyens, auront leur place pour « se réconcilier » avec la recherche et l’université. Mais pourquoi donc la notion de service public d’enseignement supérieur et de recherche n’apparaît que deux fois vers la fin du document d’orientation, au lieu d’en constituer l’un des principaux piliers ? N’est-ce pas dans ce cadre que la gauche aurait dû organiser ces Assises, ce cadre si méprisé par la droite qui a vidé universités et organismes de leur substance au profit d’« Agences » diverses et variées, dont M. Aghion vante tant les mérites ? Pourquoi, dès le deuxième paragraphe du document d’orientation, on affiche le souci du « positionnement des établissements au plan international, que ce soit en termes d’attractivité, de compétitivité ou de potentiel de coopération et de partenariats » et non celui du plus haut niveau de formation pour tous ? Et pourquoi, lorsqu’on parle des (nécessaires) liens entre universités, recherche et territoire on reste si flou sur les attributions locales, tout en posant la question (cruciale) de l’articulation entre échelons régional, national et européen ? Est-ce parce que les Régions, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, sont appelées à avoir de plus en plus d’attributions que l’échelon national leur transfère, obéissant ainsi à la logique d’une « Europe des régions », qui ira de pair avec une politique économique et monétaire de plus en plus intégrée, voire fédéraliste ? Mais si l’État, qualifié à raison de « stratège », s’occupe de la réduction des déficits et non des investissements productifs dans tous les domaines, il est à craindre qu’en transférant aux Régions des prérogatives sans moyens, il consente de perdre son rôle d’organisateur de cohésion et ferme les yeux sur les inégalités accrues, puisque, de toute façon, il y aura toujours de « niches d’excellence ».

À quoi serviront les Assises ? Pourquoi y participer ?

Tout d’abord, parce que la voix de la communauté scientifique, la voix de la société civile, doit être absolument entendue au grand jour. Ces Assises seront médiatisées et, malgré une procédure qui fait craindre que l’essentiel des décisions est déjà pré-établi (ou qu’on entendra plus volontiers des Aghion que les organisations représentatives des personnels ou les associations citoyennes), il est important d’utiliser ce biais de communication avec « la société », de ne pas laisser les « experts » parler à notre place, de couper court à des velléités de transformer les Assises en une grand-messe spectaculaire à l’instar de la science-spectacle si prisée par la médiacratie.

Participer pour poser les bonnes questions, celles qui nous ont mis en mouvement ces dernières années, celles qui n’ont eu comme réponse que des lois scélérates comme la LRU et des « enfants bâtards » de ladite loi comme les IDEX : université pour « être visible de Shanghai », pour être dans le vent de la compétition, pour « l’attractivité » (c’est-à-dire pour avoir les meilleurs « clients ») ou université pour promouvoir la connaissance, pour offrir si possible à tous les jeunes un niveau bac+5 avec une spécialisation (non une parcellisation) disciplinaire qui leur ouvrira des voies dans le monde du futur ? Recherche pour faire plaisir à l’European Research Council (agence de financement qui se rêve en super-ministère de la recherche européenne), pour « déposer des brevets » et publier, encore publier, pour satisfaire aux nouveaux fétiches de « l’édition numérique » et concevoir toujours plus de « projets » dans une ambiance de conformisme académique accru ou recherche pour aller à la rencontre de nouveaux savoirs vraiment innovants pour l’homme, la société, l’environnement ? Université et recherche pour le marché des « bassins d’emploi » en préparant les intérimaires des usines délocalisables de demain ou diplômes de valeur, nationaux, qui donneront aux jeunes un solide bagage afin de ne pas grossir les rangs des emplois-Kleenex tant prisés par le patronat ?

Nous irons aux Assises. Mais nous ne nous limiterons sûrement pas à cela. Avant les élections, au PCF, au sein du Front de Gauche, on avait tant incité les citoyens à « prendre le pouvoir ». On avait même souhaité que cette prise du pouvoir fasse tâche d’huile en Europe, où un destin commun relie tant de peuples. En Europe où des lois « universicides » aussi destructrices que la loi LRU ont été mises en place, avec des résultats encore pires qu’en France. On avait voulu que le « pouvoir » ne soit plus affaire de ceux qu’on élit et qui sont censés nous « représenter » aux instances. On prônait de nouveaux droits pour les salariés, pour les citoyens, le comblement du fossé entre décideurs et exécutants. C’est pourquoi on avait promis de continuer après les élections, une fois le processus législatif engagé à l’Assemblée Nationale. Voilà pourquoi, au delà d’une simple expression aux Assises, nous lançons un atelier législatif pour une nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Non pour contourner le cadre institutionnel, mais pour que la société civile, tout autant que la communauté scientifique, puissent être parties prenantes de ces décisions qui engagent l’avenir.

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